Venir ou ne pas venir ? Dans le doute, venons !

Retour un instant en arrière. Une discussion au bord d'un feu dans une cheminée; une jeune fille un peu malicieuse et un vicomte presque duc pour interlocuteur. La discussion promet quelque peu. A vrai dire, la ménestrel observait son nouveau cousin avec une certaine légèreté. Elle lui avait dit s'ennuyer et vouloir se sentir utile dans un petit mot écrit, tout simple, pour lui en faire part, sous les conseils de Kirinn. La réponse n'avait pas tardé de la part d'un acteur très présent de la scénette lorraine ! Il l'avait invité à s'entretenir avec lui, son cousin.

Depuis son arrivée en Lorraine, l'ex-provençale avait dû s'adapter à cette nouvelle vie et ce n'était pas si facile en réalité. Malgré le fait qu'elle n'avait rien d'une timide jeune fille et qu'elle était plutôt franche et vive, la Lorraine et sa famille lui semblaient toujours assez étrangère. Difficile de passer sur des années à travailler dans les champs comme une jeune paysanne et sur une éducation assez peu élaborée, même si sa mère d'adoption avait tenté de faire de son mieux. Ses connaissances rudimentaires de la Lorraine lui laissait le sentiment étrange de ne pas être la bienvenue et pourtant, Kirinn avait tout fait pour qu'elle se sente chez elle. Il était un cousin fort prévenant, oui ...

Mais le reste de sa famille restait un mystère. Le même sang coulait dans leurs veines et pourtant, ils étaient de véritables étrangers pour elle. Alors, elle avait décidé de remédier à ça et quelle meilleure façon que de s'investir elle-même dans ce duché inconnu ? Les liens avec la Provence étaient coupés. A part le chancelier, personne ne lui écrivait plus. Aymeric de Mystra avait soigneusement évité de répondre à sa dernière lettre, sans doute assez embarrassante. Baragwin avait bien mieux à faire, maintenant qu'elle n'était plus là ... Il restait sa marraine, Hersende, à qui elle devrait écrire, sans doute mais craignait qu'elle n'accueille d'un mauvais œil son départ précipité de Provence. Après tout, elle avait tout abandonné, sans se poser de question, quand Kirinn était venu la trouver et lui annoncer ses origines. Une nouvelle vie s'était profilée et elle avait saisi l'opportunité de vivre autre chose. Sauf que ... oui, c'était bien autre chose mais loin de ce qu'elle avait imaginé.

Ersinn était un homme agréable, vivant, souriant, amusant même. Elle avait passé de longues heures à discuter avec lui et apprenait lentement à apprivoiser le personnage. Après lui avoir parlé de ce qu'elle aimerait faire en Lorraine, il lui avait dit de se rendre au castel à Nancy. Les châteaux, elle avait déjà donné en Provence et elle hésita longuement. D'abord, elle lui avait dit qu'elle n'avait pas besoin d'y aller pour agir. Puis la nuit s'était déroulée, laissant dans son esprit toute sorte de plan sur la comète, d'envies, de craintes et au petit matin, elle avait finalement pris son cheval pour s'y rendre.

C'est devant le pont-levis qu'elle se retrouva alors que la pluie avait laissé place à un petit soleil timide dans le ciel. La Lorraine, c'était aussi la fraicheur du matin, loin des matinées brûlantes de la Provence. Ca aussi, elle avait un peu de mal à s'habituer. Le garde semblait s'accommoder du temps qu'il faisait. La routine sans doute. Elle le salua et descendit de son cheval.

Mes respects. Je viens me présenter à sa Grandeur Ersinn de Warenghien. Pouvez-vous lui dire que Eternia le demande ?

Et elle resta plantée là comme une fleur qui frémit au matin du printemps, attendant patiemment la venue du prophète ... euh non, de son cousin !

Comme convenu, en cas d'arrivée warenghienne, il s'y collait en première instance. Le vieil Henri, qui ne cherchait plus maintenant quoi faire en ce moment là, était venu lui beugler dans les oreilles qu'il y avait du monde au portillon. Quittant son comptoir, il se rendit donc au lieu donné.

Le bon jour, ma dame. Vous souhaitez rencontrer le chambellan, c'est bien cela? Nous le faisons prévenir immédiatement.

Pas besoin de bouger, Henri repartait dans l'autre sens.

Peut on quelque chose pour vous en attendant?

Il ne fallut pas longtemps pour que deux hommes s'approchent d'elle à vive allure. L'un semblait plus âgé que l'autre et repartit aussitôt. L'autre lui faisait face, un visage agréable et une prévenance toute particulière. La brune sourit. L'autre était parti avertir Ersinn et on lui demandait maintenant ce qu'elle voulait. Il ne se rendait sans doute pas compte de ce qu'il lui offrait à cet instant ?

Bonjour messire. Ersinn est chambellan ? Ah et bien oui, c'est lui que je souhaite voir. Il m'a invitée. Puis-je connaitre votre nom déjà ? Ce sera plus facile si un jour j'ai besoin de vous retrouver dans ce château !

La ménestrel pinça les lèvres, assez amusée par ce qui allait suivre. Oui, il n'aurait pas dû lui demander ...

Quelque chose ? Hmm ... Attendez ... Et bien maintenant que vous le dites, je meurs de faim ! Et puis un bain me ferait du bien, bien bien chaud, évidemment ! Oh et mon cheval aurait sans doute besoin de nouveaux fers ... Puis ...

Son ton baissa expressément.

Si quelques écus trainent en trop dans la trésorerie, ça m'intéresse également, je ne suis pas contre quelques piécettes pour mon confort personnel ...

Devant l'expression de surprise de l'homme, elle ne put que réprimer un rire explosif.

Je plaisantais !!! Non, il ne me faut rien par bonheur, vous avez de la chance !

Un sourire plaisantin et elle attendit l'arrivée d'Ersinn en bonne compagnie.

Il entendit la jeune dame, et ne savait si c'était une audience de manière formelle ou informelle, car elle semblait ignorer la fonction d'Ersinn icelieu. Mais bon, puisque c'était une invitation... Mais il ouvrit plus grands les yeux en entendant les demandes formulées. Eh bien, on allait dans l'informel le plus total! Le rire qui s'en suivit le rassérénera quelque peu. Il répondit donc à ces demandes, de l'expression la plus neutre qu'il pouvait avoir.

Mon prénom est Caton, mademoiselle. Pour vous répondre, je peux vous faire porter collation. Pour le cheval, laissez le à nos palefreniers ducaux, ils ont l'habitude des coursiers, ils sauront que faire pour votre bête. Quand au bain et...aux écus... je ne puis faire grand chose, hélas. Vous devrez négocier ceci avec le chambellan Warenghien.

Il se retourna un instant, signe au premier garde qui était rester là, avec Henri, pour faire venir la collation diplomatique habituelle. Une fois fait, il revint prestemment à la jeune arrivée.

Présentemment le chambellan est prévenu, il ne devrais plus tarder pour vous accorder audience.

Votre Excellence, Warenghien est ici.

L'habituel serviteur, un de ceux qui transportait les messages du pont-levis vers le reste du château, était encoooore venu le déranger. Avec la dénomination diplomatique. "Warenghien" ? D'une part il était toujours un peu surpris de voir à quel point il y avait eu, dernièrement, une invasion de Waren en Lorraine. Et d'autre part, que l'un d'entre eux s'intéresse à la Chancellerie ... ? Non, il lui en aurait parlé avant... Avec un soupire, il se demandait si ce n'était pas une farce.

Hm... Allons-y alors.

Quelques minutes plus tard, il arrivait à l'entrée, et un simple coup d’œil a la scène suffit pour résoudre le mystère. Caton avait probablement oublié qu'Ersinn cumulait, hélas, deux fonctions ici.

Salvé mon filleul, ma chère cousine ! Je t'attendais. Mhmh... Est-ce que le Sieur Caton s'est bien occupé de toi pendant ma venue ? J'ai été un peu long, je m'en excuse, j'avais un rapport à terminer.

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Venir ou ne pas venir ? Dans le doute, venons !

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